lundi 1 février 2010

Cerveau, Langage et neuroplasticité

Dans le cadre des "Lundis de la connaissance" organisés par l'université de Nice, avait lieu le 01 Février une conférence intitulée "Cerveau, Langage et Neuroplasiticité : nouvelles perspectives en psychologie". Cette conférence était animée par Galina Iakimova, maître de conférence en neuropsychologie à l'université de Nice-Sophia Antipolis. Ce voyage dans notre cerveau aura été très intéressant et je vais tenter de vous le retranscrire.

Extrait : "Le progrès des neurosciences cognitives et les moyens d’observation du « cerveau en action » par les méthodes d’imagerie cérébrale fonctionnelle ont permis d’interroger nos connaissances sur le développement humain et d’apporter un nouvel éclairage dans la compréhension de certaines pathologies."

Processus de développement

Le langage n'est pas une capacité innée acquise à la naissance, tout comme la vue. Nous venons au monde avec un patrimoine génétique qui sert de base à notre développement.

Le cerveau est un ensemble de 100 millions de neurones reliés entre eux par 1 million de milliards de synapses. Ce sont ces connexions qui prennent le plus de place. Ainsi, dans nos premiers mois, jusqu'à environ 2 ans, les premières synapses se forment pour atteindre une taille stable. S'en suit un mécanisme de fluctuation des synapses par élimination et stabilisation. La plasticité neuronale, qui assure notre capacité d'adaptation, a été mise en avant par Heyb en 1940. Le cerveau engrange ainsi notre expérience sensorielle.

La maturation des différentes parties de notre cerveau suit un calendrier; le cortex visuel se développe très vite, le cortex auditif est développé après 8 mois, en revanche, le développement du cortex frontal se fait jusqu'à l'adolescence.

Neuropsychologie

La neuropsychologie fait le lien du comportement ou de l'activité avec le fonctionnement cérébral. Il existe des exemples dans le domaine de l'autisme (Leo Kanner 43 et Hans Asperger 44). Altérations au niveau des interactions sociales, de la communication ou encore du comportement stéréotypé. Des troubles envahissants, pas rares, peuvent être liés à un désordre du développement. Leur identification est précoce et ils peuvent être traités avec une aide familiale. Les alertes et les signes sont par exemple : une absence de gestes ou de mots à 16 mois, l'absence de phrases d'au moins deux mots à 24 mois. Ainsi, notre comportement peut être lié au fonctionnement de notre cerveau et cette compréhension peut aider à améliorer le quotidien ou au moins à le comprendre.

Spécificités du comportement cognitif des enfants autistes (langage)

Paul Broca en 1861 a mis en avant le premier lien du langage, fonction cognitive, avec le cortex frontal inférieur gauche. Il sera suivi de Carl Werniche qui lia le trouble de la compréhension du langage avec une lésion du post lobe temporal gauche. La confirmation via imagerie positron eu lieu en 1988 par Peterson et Coll. La spécificité de l'hémisphère gauche dans le langage fut mise en avant par Binder en 1997 via IRM. Une modélisation des connexions entre les régions du cerveau fut présentée par Stanislas Dehaene en 2007.

Les capacités du langage se développent dès 3 mois via l'écoute (aire de Broca déjà activée). Via l'observation, on remarque que le cerveau des bébés est pré-câblé génétiquement et qu'il suit ensuite une phase de développement.

A l'entente de la voix humaine notre cerveau effectue une écoute sélective. Cette caractéristique est absente chez l'enfant autiste qui n'a pas de préférence entre une voix humaine ou électronique. De même, il y a une activation sélective à la perception des visages (gyrus fusiforme FFA) et les autistes ont une hypo-activation de la zone de perception des visages. Sachant que la voix et le visage sont des axes forts d'interaction sociale, ces troubles de leur fonctionnement appuient le comportement solitaire des autistes.

En utilisant un électro-encéphalogramme, il a été mis en avant que les bébés (des 4 mois?) sont sensibles aux regards qui leur sont directement portés.

Dès les premiers jours, les bébés ont une grande sensibilité a la prosodie via la discrimination des contrastes linguistiques : PA et TA. Ensuite vers 2 mois, ils sont très sensibles aux changements rythmiques. L'association mélodie+rythme les aidera à la détection des mots dans le signal de la parole. Pour une langue utilisant des accents toniques comme l'anglais, les premiers mots apparaîtront autour de 6-8 mois; et pour une langue comme le français nécessitant le détection des syllabes il faudra attendre 12-16 mois. La segmentation de la parole est une étape essentielle à l'acquisition et à la maîtrise d'une langue. Elle est aussi liée au vocabulaire. Dès 10 mois, apparaît la mémorisation des mots familiers engendrant une réponse impulsionnelle différente. A 14 mois, viendra l'association son et image qui pourra provoquer un étonnement lors d'associations non respectées : image d'un canard en prononçant le mot voiture par exemple.

Construction du vocabulaire et lexique mental

Notre cerveau contient un réseau sémantique où le mot incendie est associé aux mots feu, rouge, flamme, pompier. Puis le mot pompier est à son tour associé aux mots camion, sirène. Le mot rouge est associé à pomme, pompier,... Bref notre cerveau contient une cartographie sémantique des mots. Il existe un phénomène d'amorçage consistant à "amorcer les mots associés à un mot que l'on entend". Ainsi si vous lisez la suite de mots : incendie-feu-rouge-pompier-pistache, le mot pistache vous nécessitera un amorçage supplémentaire car il est hors contexte sémantique. Ce pré-traitement a été mis en avant en 2002 par Dehaene par imagerie du cerveau.

C'est vers 2 ans que les liens catégoriels entre les mots apparaissent et que débute la construction d'un lexique organisé. Une étude comparative montre que les enfants autistes ne différencient pas aussi efficacement ces catégories. Suivant les cas, il se peut que le traitement des mots soit activé mais pas leur traitement sémantique. Il peut aussi apparaître un décalage entre une excellente capacité de décodage des mots et la mauvaise compréhension du sens des phrases. A 3 ans, les enfants sont très sensibles aux incongruités dans le sens des phrases.

Dans des autobiographies, des autistes expriment leurs problèmes de perception :
- Donna Williams dans son autobiographie justifie son besoin de faire répéter les phrases car elle les comprenait en trop de fragments. Le lien sémantique peut ainsi ne pas être assez traité.
- Temple Grandin dans son autobiographie parle de la "Pensée en image" où les mots sont des images colorées complétées avec du son. (Imagerie mentale, Suleus pariétal).

Métaphores et aspect pragmatique

Les métaphores conventionnelles, "Avoir le coeur sur la main", nécessitent moins de sollicitation de la mémoire sémantique que les nouvelles métaphores. Différence entre le syndrome d'Aspenger qui n'est pas incompatible avec une bonne compréhension des métaphores au contraire des autistes de haut niveau. Il y a un trouble de la compréhension des métaphores, de l'implicite et de l'ironie chez les autistes.

Compréhension des aspects pragmatiques. Les voitures de La Poste sont jaunes en France. Est-ce que le stimulus véhicule une information compatible avec les connaissances générales ? Il y a une différence post-traitement entre sémantique et pragmatique. Les zones cérébrales activées sont différentes. "Intentionnal stance" : lors de jeux vidéos, il y a une différence dans le processus décisionnel suivant que l'on indique au joueur qu'il joue contre l'ordinateur ou contre un autre joueur. Lorsqu'il pense jouer contre une personne, il stimule une zone traitant les intentions et émotions.

Compréhension des métaphores poétiques. Expérience : on génère une liste de vers avec ou sans sens et venant d'une machine ou de poètes. Si l'on fournit à un lecteur des vers provenant d'une machine, en lui disant que cela vient d'un poète, il les appréciera plus. De même, si on lui fournit de vrais vers en disant que cela vient d'une machine il les appréciera moins.

Études et recherche

Une étude de l'adaptabilité du corps calleux a été réalisée chez les musiciens. Par exemple, un entrainement intensif a été prodigué à des enfants non initiés pour mettre en avant leur faculté d'adaptation et les changements structuraux du corps calleux. Le traitement précoce de l'autisme, au moment où le cerveau est le plus malléable, montre des résultats.

Dans les sujets de recherche en cours, on note:
- Neurocognition et processus de développement.
- Neurocognition et psychoéducation
- Plasticité cérébrale et psychoéducation

Conclusion

L'étude du fonctionnement de notre cerveau reste complexe et s'appuie sur les progrès des technologies pour regarder à l'intérieur. Néanmoins, les connaissances actuelles nous permettent de comprendre les mécanismes d'apprentissages comme la parole, de pouvoir comprendre certaines maladies et de faire un lien entre patrimoine génétique et développement.

Références

http://leslundisdelaconnaissance.wordpress.com/
Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Neurosciences


Vidéo

1 comments:

forum blogs informatiques a dit…

article intéressant, je sais que l'europe et les usa et un certains nombre d'entreprises privées comme google ou microsoft investissent massivement dans la recherche sur le cerveau.

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